Et si les candidats prenaient les devants dans leur CV ?
Dès juin 2026, les entreprises auront l’obligation d’indiquer le montant du salaire dans leurs annonces d’emploi. Une avancée en apparence vertueuse, mais qui risque de bouleverser les équilibres actuels du marché de l’emploi. Et si, au lieu d’attendre que l’entreprise dévoile ses cartes, c’était aux candidats de poser les leurs sur la table ?
Une directive européenne ambitieuse
La directive européenne 2023/970, adoptée le 10 mai 2023, entrera en application au plus tard le 7 juin 2026. Elle impose aux recruteurs et aux employeurs de mentionner la rémunération dans chaque offre d’emploi, dans une logique de lutte contre les inégalités salariales et de renforcement de la transparence.
Depuis plusieurs mois déjà, les jobboards incitent fortement les entreprises à indiquer les salaires, certains allant jusqu’à proposer aux candidats de filtrer les offres selon la présence d’une information salariale. Leur argument est d’avancer que l’annonce attirera ainsi plus de candidats.
Et c’est vrai, je l’ai vérifié !
Plus de candidatures… mais pas forcément les bonnes
Le revers de la médaille, c’est que l’annonce attire surtout des candidats motivés par le salaire affiché, et non forcément par le projet ou les missions proposées. Cela signifie plus de candidatures à trier… mais pas nécessairement plus de profils qualifiés ou pertinents.
C’est là qu’un ATS (logiciel de gestion des candidatures) devient indispensable pour préfiltrer objectivement et gérer les candidatures sans oublier personne.
Autre effet constaté : cette obligation pourrait écarter certains profils, avec qui une négociation aurait été possible, notamment si la rémunération affichée ne reflète pas toute la flexibilité de l’entreprise (par exemple pour un profil très expérimenté).
La négociation salariale devient plus complexe
Même si je suis favorable à la transparence salariale, je me pose la question de la pertinence de cette loi. Par expérience, le fait de mentionner une fourchette de rémunération est contre-productive malgré la volonté de jouer la transparence.
Derrière cette « bonne » intention se cache des ressorts psychologiques. La phase de négociation financière deviendra plus compliquée.
Si l’employeur indique 35 – 45 K€, le candidat retient naturellement le chiffre de 45 K€, indépendamment de sa propre « valeur ».
Conséquence, même si une proposition à 40 K€ est une augmentation substantielle de sa rémunération actuelle, il serait enclin à refuser la proposition car il penserait être floué et il se dirait qu’il aurait dû avoir 45 K€ ! J’ai déjà connu des recrutements avortés pour ce motif.
La solution est simple !
Une alternative : redonner l’initiative aux candidats
Aujourd’hui, le « rapport de force » du marché du travail est à l’avantage des candidats. Je trouve donc logique que l’initiative de parler rémunération vienne de leur côté.
C’est pourquoi, je préconise aux candidats, comme certains le font déjà, d’indiquer leur fourchette de salaire attendue dans leur CV.
C’est la meilleure façon de situer le point d’équilibre entre l’offre et la demande et d’encourager les évolutions salariales pour les candidats. Cela permet aux employeurs de réajuster à la hausse leur budget initialement prévu et d’augmenter la rémunération.
En effet, les salaires du marché progressent mais les entreprises, surtout les PME, ne le voient pas tout de suite. Ils s’en aperçoivent lorsqu’ils sont accompagnés par des professionnels du recrutement ou le comprennent lorsqu’ils n’ont pas de candidats !
Cette initiative présente de nombreux avantages :
- Elle permet aux entreprises de s’aligner sur la réalité du marché, parfois mieux que ne le font les barèmes internes.
- Elle facilite l’ajustement des offres salariales à la hausse, surtout pour les PME.
- Elle réduit les démarches inutiles, en filtrant dès le départ les offres trop éloignées des attentes.
- Elle fluidifie le processus de recrutement, en posant dès le départ un cadre clair et assumé.
Cette solution permet de replacer le dialogue au cœur du processus et de fluidifier le marché de ‘lemploi. Cela rééquilibre la relation employeur-candidat, favorise la transparence, tout en laissant une marge de manœuvre à chacun.
Oui, la transparence salariale est une belle ambition, mais elle ne doit pas devenir un carcan rigide, générateur de malentendus.
Encore une fois, je pense qu’il faut faire confiance aux acteurs du marché de l’emploi, employeurs et candidats, pour trouver la meilleure zone de rencontres, et non imposer des règles qui vont compliquer le retour à l’emploi et engendrer plus de frustrations pour les deux parties.